PROJET WHO ?

Franck Lafay

Sophie Hébert - J'ai besoin, là maintenant, de ton curriculum vitae musical... Prends tout ton temps.

Franck Lafay - Je commence la musique avec des leçons de piano (et de solfège) pendant 2-3 ans, je dois avoir 9-12 ans, mais je n'accroche pas plus que ça à l'époque. Ensuite, je me mets à la guitare vers 16 ans, comme un besoin vital. Mais le premier instrument électrique que j'achète est une basse. La basse, parce que Cure (période Faith), Joy Division, Sisters of Mercy, Pixies, des groupes où cet instrument est autre chose qu'un simple accompagnement. À partir de là, je joue de la basse dans un groupe de rock progressif en français… dont je recrute vite le batteur pour former mon 1er groupe avec mon frère à la guitare, un « power trio » rock : Freaks (devenu ensuite Siamese Freaks), en 93. Les influences de l'époque tournent autour de Noir Désir, Kat Onoma, Therapy ?, Sugar, PJ Harvey, Morphine… Je ne délaisse pas pour autant la guitare (notamment 12 cordes acoustique) et découvre aussi la mandoline, que j'intègre à certaines compositions du groupe. Siamese Freaks change ensuite de guitariste et évolue vers une musique plus élaborée… jusqu'à sa fin en 98. On aura fait une centaine de concerts.

À ce moment-là, je me mets au sampling, aux programmations (avec un antique Atari), et plusieurs projets naissent en parallèle :

* Baka!, un duo avec JL Prades (aka Imagho), pour une musique noise-core, entre Hint et Portobello Bones, qui évolue ensuite vers un univers plus ouvert, de l'ambiant à des explosions noise, avec une approche du son faite de couches, de nappes, de sons concrets, boucles...

* Tomek, projet solo - puis duo avec mon frère à la batterie - avec l'envie de partir sur un projet intimiste, et avec en tête plusieurs albums « références » du moment : Remué de Dominique A, Qui donne les coups de Philippe Poirier et People are strange de Stina Nordenstam, trois albums qui reflètent une personnalité forte et des parti-pris en terme de son et mixage qui me marquent.

* Gasp, autre projet solo, électro-ambiant, utilisant beaucoup les boucles au départ, et évoluant vers une musique plus abstraite faite de sons acoustiques retravaillés, de field recordings…

Il y a aussi eu à cette période des tentatives plus ou moins éphémères avec d'autres musiciens dans des styles différents : un groupe noise/hardcore dans le bassin minier, un autre projet relativement indéfinissable avec 2 amis lyonnais, une chanteuse et un guitariste, planant et répétitif, une voix habitée, complètement jouissif à jouer.

En plus des projets déjà mentionnés, j'ai aussi collaboré avec plusieurs artistes dans des domaines variés : une danseuse Butô, un peintre à la ligne virevoltante (Luc Bernad), et au sein du collectif d'artistes Les enclumés. J'ai fait de nombreuses interventions : installations plastiques et sonores, performances, spectacles, concerts musique / peinture…

Je dois préciser aussi qu'à cette époque, je m'initie aux techniques du son et finis par enregistrer et mixer une grande partie de ce que je produis. Ce travail sur le son fait partie intégrante de ma démarche musicale.

Enfin, en 2010 naît Mona Kazu, dernier projet en date.

Dans tous ces projets, j'utilise autant guitare, basse, mandoline que claviers, samples & programmations, et bien sûr le chant pour Tomek et au début de Baka ! Je joue même un peu de batterie pour Mona Kazu.

Sophie Hébert - Tu es l'un des piliers du groupe Mona Kazu. Peux-tu me présenter ce trio et ses aspirations ?

Franck Lafay - Il s'agit d'un trio dont le style oscille entre indie-rock et électropop… pour essayer de situer. Priscille est au chant, au clavier et autoharpe, Stéphane à la basse et guitare baryton, pour ma part je m'occupe des guitares, mandoline, programmations & arrangements, et parfois batterie.

On essaie avant tout de se faire plaisir et d'expérimenter des choses, sans se donner de limite de genre, de structure, d'instrumentation…

On va sortir sous peu un EP de remixes, et un 2e album est sur les rails pour la fin 2015.

Outre la musique, on s'occupe aussi de tout ce qui est visuel : le graphisme, les vidéos… mais on est aussi ravi quand on a des propositions de collaborations dans ces domaines ; d'ailleurs, on aimerait aussi développer le côté visuel au niveau de la scène, intégrer de la vidéo, avoir une scénographie plus poussée.

Mais surtout, on souhaite jouer partout où l'on voudra bien de nous, parce que rien ne remplace l'intensité de la scène & de l'échange avec le public.

Sophie Hébert - Il me semble que tu officies dans d'autres formations. Qu'est-ce qui pousse à avoir plusieurs projets musicaux en même temps ?

Franck Lafay - Je répondrais : pourquoi se restreindre à un seul projet alors qu'on peut en avoir plusieurs ? Tout comme je suis curieux (voire boulimique) de musiques à écouter, je le suis de musiques à jouer, du moment qu'on peut y déceler une vraie intention, une envie, une profondeur. Tous les projets qui entrent dans ce cadre sont donc les bienvenus. La seule limite est le temps : j'aimerais vraiment pouvoir ne faire que ça, pour me consacrer pleinement à tous les projets que j'ai en tête.

Pour le moment, j'ai 2 projets réellement actifs, Tomek – dont le 3e album Utopilule vient de sortir - et Mona Kazu, 2 autres plus ou moins en sommeil, Baka ! et Gasp, et toujours plein d'envies.

Sophie Hébert - Puisqu'on parle d'envies, y a-t-il de nouveaux projets que tu souhaiterais développer, ou des artistes avec lesquels collaborer ? Des instruments que tu voudrais essayer ?

Franck Lafay - Pour ce qui est des projets, après une période plus calme à ce niveau, j'ai de nouveau envie de collaborer avec d'autres formes d'art, que ce soit pour de la performance, de l'installation plastique et sonore… Il y a plusieurs pistes en ce sens, j'espère que ça pourra se faire. Pour les projets déjà existants, j'aimerais vraiment qu'on puisse faire un nouvel album avec Baka! Des instruments ? J'ai toujours envie d'essayer des choses, même si c'est juste pour sortir un son à utiliser en sample ou en arrangement. J'aimerais bien essayer une kora, par exemple, c'est une sonorité que j'aime beaucoup.

Novembre 2014